Extraits d'une interview de Laurent Berger, SG de la CFDT au niveau national (CFDT première organisation syndicale dans le privé, et seconde dans la fonction publique) donnée dans Alternatives Economiques (en intégralité ici).

Les fonctionnaires sont-ils les grands oubliés des réformes du gouvernement ?
Ce sont surtout les plus stigmatisés. Ils sont perçus comme un coût par Bercy, ce qui peut sembler logique lorsqu’on fonctionne avec des règles de calcul dans la tête.  Mais ils souffrent aussi d’une mauvaise image dans la société. C’est pourquoi nous menons une campagne « je suis une richesse ». Les agents publics sont une richesse pour notre pays. On n’accepterait pas que nos gamins soient confiés à n’importe qui, ni d’être soignés à l’hôpital par des gens peu compétents. Or l’hôpital par exemple est en plein burn out. La souffrance y est extrêmement forte.
Nous avons signé un en 2015 avec FSU et l’Unsa un accord dans les fonctions publiques pour améliorer les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR). D’autres n’ont pas voulu signer et comme nous étions juste en dessous des 50% de voix nécessaires, l’accord en est resté à l’état de protocole. Le gouvernement avait tout de même décidé de l’appliquer unilatéralement. Mais là, il nous dit que le PPCR ne s’appliquera pas en 2018. Il peut faire ce qu’il veut. Toute la force d’un accord signé avec des partenaires sociaux, c’est justement d’éviter ce genre de coupes budgétaires. Malgré cette difficulté, la CFDT veut l’application de PPCR en 2018. Je n’oublie pas non plus le gel du point d’indice et la réintroduction du jour de carence qui pénalisent et stigmatisent les agents.

Comment améliorer la situation des agents ?
Sur le dossier de la hausse de 1,7 % de la CSG et de la suppression de cotisations sociales pour les salariés, le gouvernement avait annoncé un gain de pouvoir d’achat pour tous les actifs. C’est vrai pour les salariés du privé, pour les indépendants mais pas pour les fonctionnaires. Cette hausse de la CSG sera compensée pour les fonctionnaires, parce qu’on s’est mobilisés.
Mais nous réclamons aussi une prise en charge de la complémentaire santé, une meilleure prise en compte de la pénibilité. Enfin, nous voulons une revalorisation des fonctionnaires, y compris dans le discours public. Pourquoi attendre des catastrophes et des attentats pour que le politique assume la richesse du service public ? Le 3 octobre, nous avons lancé une pétition, « l’appel des 10 000 » représentants du personnel dans les entreprises des secteurs privé et public, pour améliorer la situation de ceux qui y travaillent. Cet appel s’adresse aussi à l’employeur public.

Comment un syndicat réformiste gagne-t-il sa légitimité aujourd’hui ?
En France, le nombre d’adhésions syndicales reste trop modeste, mais nous avons gagné notre légitimité par le vote des salariés dans les entreprises. Et aujourd’hui certains partis politiques, qui ne font même pas payer leur adhésion, n’ont rien à envier aux syndicats. On gagne des adhérents en faisant du service, en accompagnant, en défendant les salariés. La CFDT va beaucoup se mobiliser sur la proximité des salariés et la syndicalisation. C’est le fruit d’un gros travail d’introspection que nous avons mené pendant 4 ans. Nous avons eu des débats, il y en a dans cette maison, et ce projet trouvera son aboutissement au Congrès de Rennes en juin prochain.
Je ne sais pas s’il y a une place pour le syndicalisme réformiste mais, en tout cas, il y en a une pour le syndicalisme utile et concret. D’autres attitudes syndicales, plus radicales, existent mais elles pourraient bien nous renvoyer sur les étagères de l’Histoire. Et beaucoup, y compris dans le monde politique, ont envie de nous y envoyer. Pour éviter de leur donner ce plaisir, il faut qu’on porte des idées orientées sur le progrès social et sociétal. On a réfléchi aux questions de famille, d’immigration et bien d’autres encore. Je le répète à l’envi, le syndicalisme est mortel. Mais nous aussi, on a pensé le monde d’aujourd’hui et de demain. Peut-être que c’est cela le défi que nous imposent les ordonnances. Elles ne nous satisfont pas, tant pis. Mais nous devons montrer qu’il y a des voies pour le syndicalisme de transformation sociale.

Propos recueillis par Christian Chavagneux et Sandrine Foulon


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